4 Novembre 2019

SMOS : 10 ans de données, 10 ans de succès

Lorsqu’il a été mis en orbite le 2 novembre 2009, SMOS avait la lourde tâche de nous en apprendre plus sur les courants marins et l’évolution du climat. Défi relevé ! 10 ans plus tard, ce mini-satellite de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), spécialisé dans la mesure d’humidité des sols et de salinité des océans, a plus que rempli sa mission. Retour sur une décennie de succès opérationnels et scientifiques.

Lancé en 2009 depuis le cosmodrome de Plessetsk en Russie, Soil Moisture and Ocean Salinity – de son petit nom, SMOS – a permis de mesurer, pour la première fois depuis l'espace, la salinité des océans et l'humidité des sols de façon directe, grâce à son instrument interférométrique.

« SMOS dispose d’un radiomètre qui mesure le rayonnement électromagnétique micro-ondes émis par la surface de la Terre. La fréquence utilisée (1,4 GHz, proche de celle utilisée en téléphonie mobile) est très sensible au contenu en eau. De plus, à cette fréquence, le signal traverse sans modification notable l’atmosphère, les nuages ou la pluie. Elle pénètre même la végétation ! Ainsi, on peut estimer l'humidité des sols et même le contenu en eau de la végétation », explique Yann Kerr, investigateur principal SMOS.

Ces données sont précieuses à la fois pour les météorologues, les hydrologues et les climatologues puisque le suivi de la salinité des océans permet notamment de suivre la circulation océanique, qui influe fortement sur la météo et le climat. La mesure de l’humidité des sols, quant à elle, renseigne sur les interactions entre la surface de la Terre, la végétation et l'atmosphère, ce qui permet d'augmenter la précision des prévisions météorologiques.

Conçu pour durer 5 ans, SMOS, est toujours opérationnel, 10 ans après sa mise en service. Chaque jour, le système fournit des données en temps quasi-réel, c'est-à-dire moins de 3 heures après la mesure. Des données qui ont des applications multiples dans de nombreux domaines.

Satellite SMOS – Vue d’artiste © CNES

Des succès opérationnels…

L’un des principaux succès de SMOS : ses données sont assimilées directement dans les modèles météo du Centre européen de prévision météorologique (système IFS – Integrated Forecasting system). Elles sont également utilisées par le Département de la Défense américain et par la NOAA, l'agence américaine de la météorologie.

Ces données servent aussi au Centre National des Ouragans (National Hurricane Center) de Miami aux États-Unis : en mesurant la vitesse des vents violents à la surface des océans, y compris lorsqu’il y a beaucoup de nuages et de pluie, les données SMOS aident à déterminer la trajectoire des ouragans.

Suivi des vitesses de vent en surface mesurés par SMOS pour trois ouragans qui se sont succédés dans le pacifique entre août et septembre 2015. © Ifremer

Enfin, les glaces fines de mer n’ont pas de secret pour SMOS, de quoi optimiser les trajectoires et le routage des navires circumpolaires. SMOS offre également des données permettant l’analyse des périodes de gel et dégel en zone péri-arctique, et de suivre l’évolution de la calotte polaire arctique.

Évolution de l’épaisseur de la glace de mer en Arctique au fil des hivers depuis le lancement de SMOS (janvier 2019). © Alfred Wegener Institute

…et scientifiques

Les scientifiques utilisent les données SMOS pour mieux comprendre des phénomènes se déroulant aussi bien sur terre qu’en mer. En 10 ans, ce sont plus de 1800 articles de revues scientifiques qui ont été publiés à partir de ces données, dont 3 dans la revue Nature.

Concrètement, sur les terres, les données SMOS permettent de mieux évaluer les risques d’inondation et de sécheresse, contribuant ainsi à une meilleure gestion des ressources en eau. Elles servent également à quantifier les précipitations, estimer les rendements des zones céréalières du Sahel (dans une optique de sécurité alimentaire), suivre la biomasse, y compris dans les zones de forêt dense, et même à suivre les Acridiens, des insectes du type sauterelle ou criquet, en Afrique de l'Ouest !

Anomalies de l'humidité du sol dans la zone racinaire en Inde entre 2010 et 2015 (en marron les zones de sécheresse, en vert les zones humides). © CESBIO

Dans le domaine fluvial et océanique, les données SMOS servent par exemple au suivi pluriannuel des effluents du fleuve Amazone et d'autres grands fleuves. Elles sont également mises à profit pour suivre les vents violents et les petits tourbillons océaniques dans l'hémisphère Sud.

Enfin, ces données servent à améliorer les prévisions des phénomènes El Niño et La Niña, qui correspondent aux deux phases opposées d’un même phénomène couplé océan/atmosphère appelé ENSO (El Niño / Southern Oscillation). Un phénomène dont les répercussions météorologiques peuvent toucher l’ensemble du globe !

En ce qui concerne la cryopshère, SMOS sert à détecter et suivre les glaces de mer fines en complément des données fournies par Cryosat, premier satellite européen dédié à l'observation des glaces polaires. Les données sont également utilisées pour détecter la température dans la calotte antarctique, surveiller l'eau liquide dans le manteau neigeux (fonte du Groenland), estimer la densité de la neige ou encore surveiller la température du pergélisol, le sol imperméable et gelé en permanence des régions arctiques.

« En mettant toutes ces données bout à bout, pendant 10 ans, les scientifiques ont pu notamment montrer que les hivers sont de moins en moins longs, et de plus en plus chauds, dans les zones péri-arctiques. Et qu’à l’inverse, dans les zones tropicales, les sols sont de plus en plus secs, » complète Yann Kerr. « Plus récemment, SMOS a pu suivre les feux en Amazonie et estimer la diminution de la biomasse dans cette zone. »

À noter : toutes les données produites par SMOS sont en libre accès. Cela permet notamment à d’autres centres et laboratoires, partout dans le monde, de pouvoir les utiliser, pour produire des cartes par exemple.

Et après ?

L’exploitation des données SMOS a ouvert, au-delà du changement climatique, des champs importants répondant à des enjeux sociétaux majeurs comme l’estimation des ressources en eau. Par ailleurs, la continuité des mesures de qualité pour l’étude du changement climatique est une recommandation forte de toutes les instances internationales. C’est pourquoi les ingénieurs et scientifiques ont été amenés à réfléchir très tôt au futur de SMOS.

Dans ce cadre, plusieurs projets sont à l’étude, en partenariat avec d’autres instances nationales et internationales. Le projet SMOS-HR - pour SMOS Haute Résolution - vise par exemple à obtenir une résolution de l'ordre de 10 km, contre 43 km en moyenne actuellement. Des études et brevets se poursuivent actuellement au CESBIO, en collaboration avec le CNES et le Centre de Mathématiques et Leurs Applications (CMLA). En parallèle, un démonstrateur sur nano satellite pour préparer la génération après SMOS-HR est actuellement en cours.

Le rôle du CNES

SMOS s’inscrit dans le cadre du programme Earth Explorer de l’ESA, qui s’intéresse au réchauffement climatique. Partenaire de cette mission, le CNES a fourni la plateforme du satellite (Proteus), effectué toutes les activités satellites et réalisé le développement et les opérations de la composante sol d'opérations (SOGS). Nous sommes également responsables du CATDS – Centre Aval de Traitement des données SMOS – consacré à la transformation des données brutes en données géophysiques. Sur le plan scientifique, la communauté française, via le programme de soutien à la recherche « Terre, Océan, Surfaces Continentales, Atmosphère » (TOSCA) du CNES, a très largement contribué au succès de la mission.

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